AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Rodéo

Posted by Barbara GOVAERTS

Il y a dans ce film la fougue des premières fois. Bien qu’il m’ait manqué une once de fureur supplémentaire. J’en demande peut être trop, c’est vrai.

Ce qu’il faut saluer déjà – car j’aime tant le cinéma lorsqu’il donne ça – c’est l’aspect sensoriel de ce premier film.

Filmé quelque part en France sans aucun repère précis (ni de lieu, ni d’époque), il nous emmène dans le quotidien des aguerris du rodéo urbain. Comprenez, des fous de moto qui « brulent » le bitumes dans des cascades toutes plus vibrantes les unes que les autres, au péril de leur vie. En cela, le film « brûle » la pellicule et nous embarque à deux cents à l’heure aux côtés de cette bande qui n’a d’autre but que de « cramer« .

La passion irrigue. Dès lors qu’ils ont assez d’essence, les voilà sur l’asphalte près à affronter les dangers de la vitesse.

C’est qu’ils oublient leurs démons lorsqu’ils grimpent sur leur bécane. Julia, la nouvelle venue et seule femme de la troupe le dit justement : « elle est née avec une moto entre les jambes » et la réalisatrice parvient à montrer avec brio le vent de liberté qui s’empare d’elle dès lors qu’elle a les cheveux aux vent. Ces scènes sont d’une intensité rare, parfaitement filmées à bonne distance et à vitesse parfaite. Déjà à ce moment, on sent son âme qui se libère, qui s’allège, qui s’envole. Elle respire.

Car le quotidien tout autour est morne, sans saveur aucune. Le ton monte vite au sein de la cellule familiale, la société alentour ne semble pas donner signe de vie ni aucune perspective qu’elle soit professionnelle ou sociale. Julia et sa troupe vivent en autarcie, loin des réalités de ce monde. A ce titre Julia n’a même pas besoin d’argent car elle se procure tout ce dont elle a besoin par le vol. Une déconnexion totale.

Et cette autosuffisance est filmée avec tact et soin. On entre alors avec délicatesse, sans jamais une once de voyeurisme au sein de cette jeune communauté qui a développé ses propres codes et évolue selon un sens hiérarchique bien défini.

Reste la place de Julia en tant que seule femme dans un groupe d’hommes de type « mâle lambda à tendance machiste » et la figure de sorcière qu’elle représente pour certains d’entre eux.

Forte, indépendante, à la beauté brute… elle ne laisse forcément pas indifférent mais intrigue… La puissance qu’elle revendique chamboule ces hommes plus habitués à côtoyer des jeunes femmes béates face à leurs acrobaties motorisées.

En parallèle, il y a cette relation de femme à femme qui semble épanouir les deux parties prenantes. Cette relation qui ne dira jamais son nom si ce n’est celui d’une amitié naissante possiblement source d’apaisement. J’aime que le flou subsiste, que le film ne dise pas tout.

Ni véritablement film de banlieue, ni film de gangsters… Ce premier opus dit surtout la magie de ces personnes qui captent la caméra comme personne. Renversons la chose : c’est sans aucun doute la caméra qui parvient à happer la présence folle de cette jeune actrice découverte dans le cadre d’un casting sauvage. Elle brûle la caméra de sa présence et on se surprend à percevoir une grande douceur au coeur même de ce bloc de dureté.

Une véritable alchimie se créé alors entre l’actrice – alors malléable et au service de sa réalisatrice – et la caméra : outil de base du cinéma. C’est justement ce qu’il faut pour faire vivre un film. De l’art de capter l’infime.

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