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Benedetta

Posted by Barbara GOVAERTS

C’est peu dire que j’ai attendu Benedetta. Le nouvel opus de Paul Verhoeven. Et Dieu sait que l’attente fut longue. Je pensais le voir à Cannes en 2019. Puis en 2020. Voilà qu’il arrive à Cannes et en simultanée sur nos écrans en juillet 2021. Tout vient à point à qui sait attendre.

S’il n’est pas la pépite que je pensais, il est de bonne facture et clairement aussi sulfureux que je le pensais. Sulfureux comme sait l’être le cinéma du maître Verhoeven. A nouveau et sans surprise puisque la bande annonce le laisse entrapercevoir, le réalisateur du désormais classique « Basic Instinc » mêle sexe, religion et provocation dans ce film à l’ambiance tantôt légère tantôt étouffante.

Car c’est peu dire que le réalisateur mêle les genres. Et le film prend son temps pour trouver son rythme et sa forme. Au tout début je dois dire que cette ambiance moyenâgeuse m’a fortement fait penser aux Visiteurs. Pas forcément désagréable mais un peu cheap tout de même. Ensuite, ce sont les dialogues disons très modernes qui m’ont déstabilisée, notamment le personnage de Bartholomea qui s’exprime de façon abrupte et très naturelle : on se souviendra longtemps de son envie pressante d’aller aux toilettes. Également les apparitions divines durant lesquelles le réal ne lésine pas sur les effets spéciaux et cette scène venimeuse durant laquelle Benedetta se bat contre des cobras, très clairement empruntée à l’imagerie des jeux vidéo.

Car Paul Verhoeven est de ceux qui touchent à tout. Déjà dans ELLE, par le prisme de son personnage principal joué par Isabelle Huppert, il avait incrusté quelques scènes de jeux vidéo pour illustrer la profession de son héroïne.

Mais au fond, Benedetta c’est bien plus que toute cette technique, bien plus que ces décors, ces costumes et ces effets spéciaux. C’est une sorte de pamphlet anti religieux et féministe, bien amené, qui dit les dérives de croyances obtuses et débitées sans vraie réflexion.
Si le film entend relater des faites réels, il dit surtout une réalité universelle sur les relations entre hommes et femmes et sur la place que chacun occupe dans une société encore très segmentée.

Le film met en lumière les abus de certaines institutions qui, placées sous le plus haut regard, autorisent des hommes et des femmes à abuser du pouvoir qui leur est conféré. En cela le film est politique car il dit le manque de courage de certains membres de l’élite qui se cachent derrière leur position sociale pour abuser d’autres personnes.

Virginie Efira prête ses traits à la fois juvéniles et très féminins à cette femme élue sur laquelle plane le doute. Est-elle réellement une élue de Dieu ou une simple illuminée ? Le film nous apporte des bribes de réponses mais jamais aucun éléments concrets. Et il joue sur cette ambiguïté constante. Là est tout l’intérêt du film d’ailleurs à mon sens.

Il faut que ces doutes fassent leur chemin au fur et à mesure qu’évolue le film. Ces doutes sont en fait la sève du film qui finit de nous emporter dans une ultime partie qui envoie au bûcher nos croyances les plus ancrées. Personne n’est réellement celui ou celle qu’il donne à voir – tout n’est que mensonges, faux semblants et accords dupés, comme pour signifier une société rongée par la cupidité et forcément vouée à la perte.

Une certaine forme de nihilisme chez Verhoeven ?

Et puis il y a le personnage de Charlotte Rampling. La magnifique Charlotte Rampling. D’abord très encartée, très normée, à l’image de sa position dans le couvent, elle est celle qui laisse entrapercevoir la plus grande humanité, la plus grande source de vie. Quelle actrice ! Elle insuffle à elle seule – mais c’est aussi son rôle qui veut cela – un souffle de vie et l’espoir qu’il existe encore quelque part une once de vérité, une goutte de sincérité… Oserai-je dire, un terreau pour une société pure de toute perversion ?

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