AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Sick of myself

Posted by Barbara GOVAERTS

La scène d’ouverture du film et le fait qu’on y vomisse de façon plutôt frontale (ici du sang mais soit, c’est du vomi) nous rappellent étrangement la palme d’or de l’an passé : Sans filtre (Triangle of sadness). Mais cela tient du plus pur des hasards car si ce film ne sort qu’aujourd’hui en salles, il fut présenté l’an dernier à Cannes.

Pas de plagiat donc, juste une preuve de plus que le cinéma a ses tendances tant sur le fond que sur la forme.

Ici, le film s’ouvre sur une scène de discussion au restaurant. Signe (prononcer « sigue neu », le film est norvégien) dine avec ce que l’on pense de suite être son copain / fiancé / mari. Tout un stratagème se met en place – non pas pour savoir qui des deux réglera l’addition (ça c’est dans Sans filtre) – mais pour savoir si on la / les regarde… L’égo du garçon semble boursouflé et lui même nous apparait déjà totalement soumis au regard et à l’avis de l’autre. Un être en mal de confiance et de stature. J’extrapole mais déjà, le personnage est cerné.

Au coeur de ce marasme humain, cette jeune femme qui m’apparait déjà tout à la fois frêle et charismatique. Elle suit le rythme. Elle s’adapte à la situation. Pour le bien de son couple.

On découvrira bien assez vite les dommages collatéraux causés par le comportement égocentré de son compagnon, artiste designer de seconde zone. Signe a développé un complexe d’infériorité et ne parvient pas à s’affirmer en tant que personne à part entière aux côtés de l’homme qui partage sa vie. Elle va alors tout faire pour trouver sa place et gagner en visibilité à ses yeux, et aux yeux des autres.

Arrive alors un événement tragique qui se déroule sur son lieu de travail. Une femme se fait mordre à la gorge par un chien et Signe a de suite les bons gestes, les bons réflexes. Les secours sont formels : sans son intervention, la femme « y serait passée ». Sitôt passé le temps du choc émotionnel causé par cette situation somme toute traumatisante, Signe cherche à régaler son audience (son copain en tête) du récit de ce sauvetage humain. Sa période de gloire ne sera que furtive, son copain reprenant bien vite le dessus.

Il lui faut alors trouver un autre stratagème pour qu’on la remarque. Tous les coups sont bons. Le but recherché n’est autre que d’attirer l’attention sur elle. Par tous les moyens. Jusqu’à la névrose.

Signe se procure alors sur le dark web des médicaments qu’elle va consommer en surdose… Ces derniers lui procureront bien vite des désagréments visibles, physiques… De quoi attirer les regards. Ce ne sera pas encore l’heure de la grande notoriété mais au moins le temps des premiers émois, des premières attentions portées par ses proches.

Pathétique ? Oui. Et terriblement touchant en même temps. L’actrice apporte grâce à cette jeune femme en mal d’amour. Personne semble t-il n’a jamais posé un regard d’affection sur elle.

Elle ne s’est pas (encore) trouvée, ne sait pas où est sa place et est dans cette quête d’approbation constante. Les regards posés sur elle lui donnent le sentiment d’être vivante, d’exister. Elle n’est rien (pense t-elle) sans ça.

Ce film évoque l’égotisme de nos sociétés. On rit mais jaune et le mal être profond de cette femme est en arrière plan, voire même au premier plan. Il imprègne la caméra.

Ce culte du moi… poussé vers des extrêmes qui portent atteinte au bien être physique de cette femme.

En voici une caricature grinçante qui dit, sans faux semblant, et avec une légèreté toute mesurée, notre besoin urgent à tous de lâcher prise vis à vis du regard de l’autre. Avec cette société qui exige de nous une perfection hors de portée.

Notre objectif à tous serait-il alors (pour le bien être de notre santé physique et mentale) de faire un pas de côté par rapport à cette société qui nous en demande trop. Cette société qui ne nous engage pas à vivre avec l’autre mais à ses côtés, en parallèle de lui, sans jamais véritablement se rencontrer au final, en zieutant de part et d’autre ses faits et gestes mais sans une réelle communion des êtres. Une société malade qui ne créé pas l’union mais divise totalement pour créer une pseudo compétition stérile et malsaine.

Osons être qui nous sommes, sans se minimiser, ni sans trop se valoriser… Sachons trouver le juste équilibre de la mise en lumière de ce que nous sommes. Sinon, où est la liberté de vivre, et d’exister ?

Le portrait d’une femme emprisonnée et empoisonnée d’elle-même.

Related Post