AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

L’été dernier

Posted by Barbara GOVAERTS

Il n’est pas question de « LA » vérité mais « des vérités ». Le décor est posé. C’est Anne qui le dit et elle en sait quelque chose, elle est avocate pénaliste.

Elle défend des mineurs. Et elle est tout à la tâche, se sent très concernée par ce métier qu’elle a choisi, qui représente sans aucun doute pour elle un moyen de s’extirper du milieu social duquel elle est issue. Anne est aujourd’hui cette jeune quinqua accomplie, mariée à un homme d’affaires, Pierre, qui voyage beaucoup. Ils ont posé leurs bagages à la campagne et vivent dans une sublime maison spacieuse. Tous les deux ont adopté deux filles espiègles et terriblement mignonnes, dont l’une est très forte au judo et adore sa petite soeur ! « La plus belle réalisation de leur vie ». Pierre a un fils, Théo, issu d’un précédent mariage qui revient vivre avec eux après une énième incartade avec les autorités.

Ce qui marque de prime abord c’est la qualité d’écriture du film. La finesse avec laquelle le propos est porté à l’écran tant au niveau de l’histoire que de la façon de la montrer, de la dire, de l’incarner.

Le tout est parfaitement rythmé, amené, chacun des personnages est présenté de façon quasi chirurgicale mais « organique » à la fois. On les sent libres et terriblement vivants !

Léa Drucker dévoile une palette de jeu incroyable et nous apparait, dans cette première scène du film, tout à la fois très concernée par la situation et d’une froideur implacable. Elle s’entretient avec sa cliente, une mineure donc, victime sans doute d’un abus physique et lui pose des questions afin de la préparer à son audition « avec combien de garçons as-tu couché »… Son élocution est saccadée, presque machinale alors qu’elle est en réalité très habitée. C’est là toute l’envergure de ce personnage toujours à la frontière entre la totale maitrise et l’envie du lâcher prise. On la verra plus tard aller à la rencontre d’une jeune femme dont elle a géré le procès pour suivre son quotidien et prendre de ses nouvelles. Dans la scène suivante, on apprend que le procès est gagné. Anne est bel et bien une pénaliste émérite.

Samuel Kircher nous apparait tel un adonis. Juché du haut de ses 17 ans, il est en colère contre ce père absent qui entend « rattraper le temps perdu ». Lui et sa belle mère « ne se calculent pas, et ça va très bien à Anne », jusqu’à ce que, par un bel après-midi d’été passé au bord du lac, il y ait rapprochement… Le désir les étreint et Catherine Breillat – qui effectue son grand retour derrière la caméra après 10 ans d’absence, et à 75 ans s’il vous plait – filme cette ivresse amoureuse avec la puissance et la délicatesse que nous lui connaissons. Sans qu’il n’y ai jamais aucune gène à voir leurs étreintes, elle réalise un focus sur son visage à lui, filmé tel un jeune homme en proie à la découverte de son corps, de ses sensations et de celle de sa partenaire, puis sur le visage d’Anne, filmée telle une madone en extase et en perdition…

En mari trompé, Olivier Rabourdin est juste à chaque minute. Il l’est aussi dans les bottes de ce père dépassé qui ne s’est jamais vraiment impliqué dans l’éducation de son fils, et l’est aussi dans le rôle de ce chef d’entreprise usé par ce rythme éreintant. A ce titre je retiens la scène durant laquelle il se déshabille, après avoir diné engoncé dans son costume cravate. La scène est filmée en temps réel et j’ai senti le soulagement (tout relatif) de cet homme qui ôte tour à tour ses chaussettes, ce pantalon, cette chemise… pour finalement faire l’amour avec sa femme qui lui narrera le souvenir d’un fantasme de jeunesse. Très incarné mais glaçant par ailleurs. L’histoire de leur couple…

C’est d’ailleurs ce mari trompé, ce père absent qui détient les clés du récit. De cette affaire familiale trouplesque plus que « délicate ».

A ce titre, la fin est sublime, parfaite. Elle arrive à point nommé et indique que Pierre n’est pas le »normopathe » que sa femme craignait qu’il soit ! Il se pose alors, et sans doute pour la première fois de sa vie, en socle familial avec ce choix du déni protecteur.

Amoral AF et j’adore ça ! Breillat est une vraie reine subversive du couple, des relations humaines, du sexe et du cinéma !

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