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Les pires

Posted by Barbara GOVAERTS

En voilà un film qui dit le cinéma. Qui dit son ancrage – dans un territoire, dans les corps, dans les âmes, sa force surannée, sa puissante vertu à élever l’Homme. Ça semble pompeux comme ça, peut-être. Ce qui est certain c’est que ce film parle de ce que le cinéma nous donne, et rien de plus concret à cela.

Je parle plus haut de l’âme mais ce qui m’a le plus marqué lorsque j’étais face à ce film c’est la force que le cinéma suscite sur les corps.

En cela le film vibre, vraiment. Il est organique, de ceux qui laissent un ancrage.

Les pires est un premier film (long métrage), il est réalisé à quatre mains, par deux jeunes femmes. Il narre le tournage d’un film – l’inception est donc au coeur de l’oeuvre. Un film dans le film, sur un tournage de film. Il n’en fallait pas moins que cet aspect « méta » pour donne une véritable épaisseur à ce film d’une véritable profondeur.

Car il propose deux niveaux de « lecture », et les manie tous deux avec brio.

Sont choisis, parmi un casting national, une troupe d’enfants et d’adolescents habitants d’un quartier défavorisé du nord de la France. Beaucoup alentour, alors que le tournage d’un film « pour le cinéma » fait grand bruit, se demandent pourquoi avoir choisi « les pires ». Et ce tournage les confrontera alors avec les réalités de leur quotidien, avec les problématiques de vie inhérentes à leurs conditions de vie : la possibilité d’une catharsis en somme.

J’entendais justement James Gray, interrogé dans le cadre de la promotion qu’il fait pour la sortie de son nouveau film Armageddon time, dire qu’il ne croit pas que le cinéma soit une catharsis. Jamais. Si le cinéma apparait comme étant un art capable de sublimer le réel, il ne peut en rien – toujours selon le réalisateur – jouer le rôle salvateur d’outil ou d’objet de résilience. Ses blessures d’enfants servent d’écrin à son film, d’exutoire peut-être dans une certaine mesure, mais jamais le fait de les narrer dans un film ne fera catharsis.

Ces dires, implacables dans la bouche de James Gray ont alors résonné face à ce film (Les pire) qui semble avoir tant, et si bien, donné la parole à ses enfants et adolescents et leur avoir permis de faire un bond sur le regard qu’ils portent sur eux mêmes, leur vie.

Et tout cela est visible et passe par les corps. Ce que le réalisateur dans le film du film (méta rappelez vous) leur demande de livrer leur permet de reprendre corps avec eux mêmes : de façon concrète. Qu’il est émouvant alors de les voir (ré) apprendre à toucher, caresser, embrasser, pleurer… C’est là le cinéma dans toute sa densité que se déploie sous nos yeux, et toute le rôle incarné du cinéma qui demande, exige des corps vivants emplis de vie et d’émotions. Des émotions visibles : pleurs, rire, frissons, souffle…

Nulle de doute que ce tournage de tournage a eu un impact fort sur la vie de ces « acteurs nouveaux nés ». Je les ai vus revenir à la vie sur grand écran, il doit en être de même pour ce qui est de la vraie vie. La puissance de vie du cinéma : ce miroir de nos réalités.

N’en déplaise à James Gray. On ne parlera peut être par de catharsis mais on ne niera pas le puissant rôle suscité ici par le cinéma : cet art capable de faire vibrer, qui aura – je ne pense pas me tromper – suscité des vocations.

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