AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Le ravissement

Posted by Barbara GOVAERTS

Grande, immense Hafsia Herzi !

Elle embellit et illumine tous les films dans lesquels elle joue.

Elle est à la fois toute en puissance et d’une douceur et délicatesse sans nom. C’est en cela qu’elle me plait et m’intrigue. De l’incarnation du charisme. Elle est faite pour être face à une caméra.

Je me souviens avoir eu très envie de voir ce film à Cannes en mai dernier. Mais il ne s’intégrait pas à mon programme d’alors. C’est avec cet enthousiasme intact que je me suis rendue en salle pour découvrir ce film dès sa sortie.

Il est exactement comme je pouvais l’imaginer. Subtil et jamais dans le pathos. Le titre du film, à double tranchant, m’a mise sur la voie d’un grand film. Le ravissement évoque en effet tout à la fois le pire (le rapt d’une personne) et le plus beau (un bonheur délicat et profond).

Le film penche ici du côté le plus sombre. Car on comprend vite que Lydia se perd dans une spirale de mensonge. En un sens dès la première minute elle est la fugitive que l’on imagine, sans pour autant l’être véritablement. Elle s’accapare l’enfant sans vraiment le kidnapper.

Et la descente aux enfers n’en est que plus insidieuse tant elle finit par se perdre dans ses mensonges.

Le manque d’amour, un certain manque de reconnaissance aussi sans doute lui pèsent et l’ont amené vers ce besoin de « prendre sa part » à tout prix.

La relation qu’elle entretien avec Salomé, sa meilleure amie, mérite d’être étudiée à la loupe. Quel drôle de sentiment que celui de se sentir heureuse lorsque son amie est malheureuse et vice versa. S’il est vrai que ce type de vases communicants peut exister : il est parfois rassurant de savoir que nos proches traversent, eux aussi, des périodes de doutes, de sur place etc… cela participe de l’importance non pas de se comparer mais de faire société avec l’autre, avec nos proches qui peuvent alors jouer le rôle de miroir… Le fait véritable de ressentir de la jalousie ou de ne pouvoir se réjouir du bonheur de l’autre ou pire encore, est une autre étape. Et c’est là justement ce qui se trame ici, se sentir rassuré par ses moments de malheurs prouvent un mal être véritable et une incapacité à être en « communion » avec ceux qui nous entourent.

Lydia est alors désolidarisée de tous, se retrouve plus seule que jamais, face à son mensonge.

Le film trouve son intérêt dans un autre aspect qui n’est autre que la narration. Dites par Milos, l’homme duquel est éprise Lydia. C’est lui qui raconte l’histoire apportant à cette affaire un contour flou qui nous mène entre présent et passé.

Et c’est même cette narration, douce et paisible, qui donne pour beaucoup au film son aspérité et son spleen. On découvre alors que sous couvert de cette « délicate absence » qui pourrait caractériser Lydia, cette dernière souffre en fait d’une grande solitude. Elle ne vit pas seulement une déception amoureuse, mais vit une profonde dépression… Elle ne fait pas que soulager son amie en s’occupant de l’enfant (dont elle a soit dit en passant, trouvé et suggéré le prénom) mais en vient à se prendre véritablement pour sa mère.

Ce fait divers est filmé sans dramatisation aucune, avec beaucoup de retenue, sans mettre trop l’accent sur l’arrestation par exemple mais en faisant le choix de chercher à comprendre le personnage de Lydia, au plus profond de ses méandres intérieurs sans nous en livrer une quelconque analyse psychologique. Elle nous apparait encore plus proche via ce procédé et l’empathie que l’on ressent pour elle est réelle.

Sans chercher à excuser la folie de son geste, la réalisatrice (dont c’est le premier film) va même jusqu’à dire la possibilité de se relever. En cela, l’après qu’elle imagine est d’une beauté infinie.

Ce petit chaperon rouge qui part à la dérive et revient à la vie.

Related Post