Ce nouveau film signé PTA (Paul Thomas Anderson) ce sont déjà ces notes de piano, et puis la démarche de Di Caprio.
Quelle maestria ! Une fois de plus, le génie du cinéma US contemporain m’a régalée de la puissance de son cinéma.
C’est aussi le plaisir de retrouver la bonhomie de Benicio Del Toro, et son charisme. Quel beau rôle ! Sans aucun doute, celui qui suit et tient son idéal, ses idéaux sur la durée, avec l’esprit combatif et humain qui est de mise (il met à l’abris des exilés mexicains dans le sous sol de la boutique de sa femme) et on sent toute la force de l’engagement qui est le sien.
Tout dans ce film me plait. Déjà, sa dénonciation des dérives extrêmistes d’une Amérique qui se perd dans un puritanisme nauséabond, et mise tout sur cette fameuse « white supremacy » qui irrigue de plus en plus les sphères politiques et les puissances d’argent qui les nourrissent. Et puis, la légèreté qui semble se détacher de cette histoire.
Une légèreté toute relative qui parvient savamment à mêler loufoquerie et réalisme. Di Caprio (véritablement l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, de sa génération en tout cas) donne vie à ce révolutionnaire fatigué et embué avec une grâce comme on en voit peu.
Il incarne Bob, un ancien membre d’un groupe révolutionnaire qui part à la recherche de sa fille disparue. Bob a marqué les grandes heures du groupe duquel il faisait partie. Mais depuis que sa femme a quitté le domicile familial, peu de temps après la naissance de leur fille, il s’est enfermé dans l’alcool et les drogues. Perdu dans une parano qui agace sa fille, adolescente, plus qu’elle ne l’inquiète.
Alors, lorsque son ennemie de toujours, retrouve sa trace et enlève sa fille, Bob n’a plus d’autre choix que de repartir au combat.
Et c’est autour de ce nouveau départ au combat (en robe de chambre à carreaux !) que le film tisse sa toile.
Il faut le voir emprunter le chemin d’urgence, récupérer les sacs qu’il avait préparés en cas d’évacuation… Son sac et celui de sa fille : un petit sac à dos rose… que l’on devine ne plus être tellement d’actualité. Car voilà, les années ayant passé, Bob s’était enfermé dans son cocon, sans que personne ne vienne l’y déranger, avec sa fumette, ses souvenirs et sa parano.
Il n’a donc pas mis à jour le sac de provision ni même révisé les mots de passe et noms de codes à indiquer en cas de menace et d’urgence. La bande annonce montre la loufoquerie relative à conversation téléphonique codée avec la hotline antifa, et c’est à ce niveau là, déjà, que la qualité de jeu de Leo m’a, une fois de plus, épatée.
Il est totalement au service du film. D’un film qui dit les dérives d’un pays en crise, et qui dit aussi que la lutte révolutionnaire, et les idéaux qui s’en dégagent, se nourrissent toujours de l’intime de chacun. Ainsi, de la frustration naitront des penchants pour la revanche et la haine (Sean Penn qui en fait un peu trop, mais illustre bien son personnage).
Une bataille après l’autre questionne aussi la persistance de l’engagement. Bob, anéanti par le départ de sa femme, se recroquevillera dans les excès, exacerbant une forme de nombrilisme et semblant alors oublier tous ses idéaux, toutes les raisons qui l’avaient poussé à faire la révolution.
En ce sens, ce film est d’une finesse rare : il vient dire et montrer les bassesses de l’humain, ses égoïsmes, sans pour autant le critiquer, le blâmer… Seuls ceux portant en eux de véritables sentiments de haine et de rejet sont criticables.
D’un point de vue purement cinématographique, le film regorge de références : Terminator, et d’autres films des 90’s, les films d’action et de cascades avec Tom Cruise et j’en passe. Je ne les ai pas toutes mais je sens à quel point le film est pensé, et ancré. Les plans sont superbes, la lumière et les cadrages sont capturés et gérés au cordeau. Tout dans ce film me plait et me donne l’envie d’y revenir. On est à la lisière du film d’action, du film politique, du western presque… Il y a tout mais pas une once de gras.
Du grand cinéma, déjà rendu classique je trouve, qui dit la bipolarité d’une Amérique fracturée.
D’une Amérique qui n’a plus de bons appuis, mais qui peut compter sur une nouvelle génération non pas enragée, mais engagée. PTA a l’art et la bonne manière d’instiller une bonne touche de féminisme, de black power et de visibilité LGBTQIA+.
Ce sont toutes ces personnalités, encore minorisées, qui nous relèveront.
Goddamit, Viva la revolucion !