AMHA (A Mon Humble Avis)

Les braises

Posted by Barbara GOVAERTS

L’écriture de ce film est d’une solidité telle que j’ai vécu une véritable immersion auprès de ce couple, de cette famille, de ce groupe.

L’écriture et le jeu des acteurs, tous très bons, mettent en relief la puissance du groupe. Ce qu’il donne en humanité et en puissance, et ce qu’il laisse en individualisme et en inaction.

Le film illustre cela avec brio. Il dit aussi que le groupe demande un grand investissement personnel qu’il convient de gérer, de mesurer.

Des limites de l’engagement… Où placer le curseur du don de soi lorsqu’on a un mari, une famille… A quel moment l’engagement peut-il faire du mal. Comment accepter l’engament total de ceux que l’on aime lorsque cet engagement risque de les mener vers les limites de la loi ?

Autant de questions qui disent toute la subtilité du film et du propos.

J’aime que le réal n’aille jamais dans les extrêmes mais qu’il aille jusqu’au bout de son traitement du sujet. Karine et Jimmy travaillent tous les deux, ils ne sont pas dans le besoin. Jimmy est chauffeur routier, il dirige sa propre entreprise. Karine travaille à l’usine. Un sou est un sou mais ils élèvent convenablement leurs deux adolescents lycéens / étudiants et retapent leur maison. Ils ne sont pas dans le besoin mais se serrent suffisament la ceinture pour se sentir concernés par cette hausse du prix du gazole. Le film tire son contexte dans celui du mouvement des gilets jaunes.

C’est Karine qui se sent appelée, happée par cette révolte en marche. Jimmy, d’abord dans le soutien la laisse faire pensant sans doute qu’il s’agit d’une passade et que c’est l’histoire « d’une manif ou deux ». Mais voilà que Karine est conquise dès les premières minutes de la lutte. Elle trouve dans ce groupe en construction l’occasion de faire entendre sa voix, de trouver une voie… Sans doute, elle pourtant face à un mari qui l’aime et la désire et mère de deux enfants avec qui la communication est bonne : l’occasion de se sentir utile, de donner un sens à sa vie de citoyenne. Virginie Efira incarne cela avec une délicatesse qu’elle mêle à une grande puissance. L’idée de « sauver son pays » lui apparait comme sa nouvelle mission.

Le film est ainsi l’incarnation de l’engagement citoyen à l’échelle du couple. Le réal met en parallèle et fait que l’intime de la vie de couple et familiale se percute au militantisme. Et c’est d’une richesse folle tant le propos résonne.

Ces « braises » qui font le titre du film disent tout de cette tension palpable et permanente. On ne sait jamais si elles vont s’éteindre ou se raviver. Ainsi Karine s’engage de plus en plus dans cette lutte anti capitaliste au risque d’encourir une peine judiciaire, lorsque Jimmy choisit de tendre le dos face à des injustices sociales qui risqueraient de mettre en péril son entreprise et sa famille.

Lorsque Karine se veut engagée pour la communauté, elle semble égoïste vis à vis de sa famille et Jimmy, lui somme toute plus individualiste sur le papier, fait tout pour maintenir sa famille à flots. Qui alors est le/la plus égoïste ? Qui alors est le/la plus altruiste ? On ne saurait dire.

Je parlais du niveau d’écriture de ce film que je trouve très qualitatif. Le film nous réserve des dialogues ciselés et d’une vérité criante. Bientôt, ce sont deux visions du monde qui semble s’opposer au sein d’un seul et même foyer… Et pourtant, deux visions qui émanent de deux personnes qui s’aiment et s’épaulent.

Si le film dit l’importance de la solidarité et est en ce sens un très bon film social, il dit aussi et surtout la force de l’engagement, du lien, de l’obligation, de la promesse. Et c’est très beau.

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