J’en parlais il y a peu. Comme je déteste les films qui nous indiquent quand rire ou pleurer. Ces films peu délicats qui semblent vouloir nous ordonner nos émotions. Je ne les aime pas et leur préfère ceux, plus éliptiques et subtils qui nous laissent le libre arbitre du timing de nos ressentis.
Et puis Kika arrive sur nos écrans et avec lui la puissance et la délicatesse d’un premier film qui dose savamment humour et douleur.
Il y a tant de curiosité dans ce film, de douceur, de délicatesse, une grande tristesse aussi, celle là même qui parfois ne nous lâche pas, mais elle se teinte d’humour. De cette dose de cocasserie qui nous empêche de sombrer dans la douleur qui est celle de Kika.
Mais reprenons.
Kika c’est cette jeune femme belge, en couple depuis 17 ans avec le père de sa fille. Elle est assistante sociale. Tout roule. Mais voilà qu’un soir justement alors qu’elle dépose, à l’heure de la fermeture, le vélo de sa fille qui… ne roule plus, chez le réparateur, c’est le coup de foudre (ou presque). Sa rencontre avec David donne une nouvelle direction et dimension à sa vie.
Là déjà la réal use de l’élipse et j’aime qu’elle nous embarque dans son film avec ce tourbillon de vie. Voilà bien longtemps que l’intro d’un film ne m’avait pas happé avec une telle joie et un tel dynamisme. Dans la premier quart d’heure du film déjà j’ai le sentiment de me sentir proche de Kika et de sa collègue amie, de sa famille, de David, de certains des bénéficiaires qu’elle accompagne avec cet intérêt sincère.

Kika elle même, et le regard que porte sur elle la réalisatrice, y sont pour beaucoup. Le charisme de l’actrice est puissant. A l’image de son sourire. Contagieux. On a de suite envie de la suivre.
Lorsque son nouveau compagnon de vie disparait brutalement, là encore la réal use de l’élipse comme pour nous épargner les lourdeurs de ce type de situation, mais jamais les émotions qu’une telle situations implique ne seront minimisées. J’ai au contraire le sentiment de tout vivre plus fort, aux côtés de Kika à qui je suis déjà attachée.
Une vraie réussite pour un premier film que de parvenir à ce niveau de subtilité et de maitrise dans le travail de personnification.
Puis c’est la descente. Et je suis Kika dans sa galère. Je sais déjà qu’elle ne renoncera devant rien. Quelle courbera peut-être par endroit l’échine, mais que jamais elle ne tombera. Pour sa fille déjà. Et pour elle. Je sais qu’elle a cette force en elle. Une richesse de vie bien savamment ancrée. Et un intérêt réel pour ceux qui l’entourent et qu’elle accompagne : famille et bénéficiaires.
Vous l’aurez compris… C’est rare qu’un personnage de cinéma soit autant identifiable. Et c’est ce que j’aime le plus au cinéma. Sortir de la séance et marcher dans les pas d’un personnage que j’ai suivi 1h et quelques durant, avoir saisi son caractère, sa vibe… C’est puissant et c’est cette force d’interprétation, d’incarnation que je recherche.
Dans l’histoire du cinéma, Jeanne Dielman, Thelma, Louise, Jack Dawson, oui : Rose aussi… Sugar Kane, Travis Bickle, Nola Rice et Chris Wilton, Zachary et Shéhérazade (dans le film du même nom), Amine, Ophélie, Tony… chez Kechiche, Malik El Djeneba, … tous ces personnages et d’autres encore ont su m’emener vers des contrées que je ne connais pas, au coeur même de leur univers. Et leur présence, leur réalité m’accompagne encore aujourd’hui. J’aime cela par dessus tout au cinéma.

Kika est de ceux là. Elle a cette vitalité de vie qui m’a happée et elle me touche tant d’aller chercher du côté de la douleur physique pour tenter de panser ses maux et sa douleur psychique. La partie dédiée à son activité BDSM se fraye un chemin du côté de l’humour comme pour lui donner une contenance, l’aplomb que Kika n’a pas. C’est encore plus touchant.
Et puis ces rencontres avec le vétérinaire, cet autre homme qui souffre d’une maladie chronique qui le fait souffrir physiquement au quotidien et qui choisit de faire appel aux services de Kika pour souffrir encore plus mais de façon maitrisée (voyez le film, du moins la bande annonce, vous comprendrez). Subtile et humain.
Tout dans Kika est élevé à l’aune de l’humanité. Le film veut dire la puissance de vie et de lutte que nous avons en nous et Kika, le personnage, offre une dose de vie sans commune mesure, comme on en voit rarement à l’écran.
Une véritable force de vie qui nous dit que le calme, le cadre, la stabilité, si tant est qu’on s’attèle à les rappeler, nous reviennent toujours. Et avec lui, le bonheur simple, mais fort et vrai.
Une lumière dans le chaos.
