C’est un film d’une délicatesse rare que j’ai vu hier. Teinté d’une grande tristesse et enjolivé par de très grands comédiens : rôles principaux et rôles secondaires compris, professionnels ou non.
Je pense à ce gendarme qui d’abord ânonne la loi et annonce qu’aucun avis de recherche ne pourra être lancé, avant de se raviser et de proposer ses services en off. Ou encore à cette femme assistante sociale démunie face à une situation qu’elle n’a jamais rencontrée et qui, finalement, se recompose et dicte les actions à mener pour scolariser les enfants. Tous deux incarnent tout à la fois ces cases à cocher pour tenter de débloquer des situations dans un pays normé comme la France et l’importance majeure de placer l’humain au coeur.
« Placer l’humain au coeur » : cette phrase qui m’exaspère lorsqu’elle est utilisée à mauvais escient (en des termes marketing dirons-nous), mais qui exprime bien un besoin social, humain, réel.
Ce film est empli de cette humanité. Elle est tout à la fois égoiste parfois, maladroite souvent mais à chaque instant il s’agit bel et bien d’une humanité réelle.
Jeanne (Camille Cottin) semble avoir passé ces 42 premières années de vie à faire le vide autour d’elle. Seul son travail lui apporte une certraine satisfaction, car elle le fait avec méthode. Et en faisant les chose avec méthode : aucune mauvaise surprise possible.
Jeanne s’est séparé il y a deux ans de Nicole avec qui elle était en couple depuis 12 ans. Car Nicole voulait un enfant et Jeanne non.
Orpheline de mère et pas très proche de son père à qui elle reproche de n’avoir su gérer le décès de leur mère, Jeanne est aussi distante de ses collègues. Jeanne a fait le vide autour d’elle.
Un matin d’été plein de grisaille, Suzanne, la petite soeur de Jeanne, sonne à la porte, elle est avec ses deux enfants et lui dit être fatiguée… Elles en parleront le lendemain, ce sera l’occasion de se retrouver, elles qui ont également perdu le lien.
J’aimerais m’arrêter un instant sur cette merveilleuse idée du jeune réal d’avoir créé cette sororité entre Camille Cottin et Juliette Armanet. Oui, elle est évidente à bien des égars. Pas que physique. Ce binome de cinéma m’a semblé assez bouleversant et je souhaite le revoir à l’écran.
Seulement, le lendemain, Suzanne a filé laissant ses deux enfants derrière elle avec leur carte d’identité, leur valise et un trousseau de clés.
Pour Jeanne, comme pour quiconque, c’est le ciel qui lui tombe sur la tête. Elle qui s’est auto convaincue qu’elle voulait « rouler seule », se retrouve avec ses neuveux à charge.
J’aimerais m’arrêter un instant sur la qualité de jeu de ces enfants : 8 et 13 ans… Il faut jouer la douleur du départ d’une maman… Il faut pouvoir puiser en soi et trouver la note juste pour dire ce malêtre../ C’est sublime et je pense notamment à deux scènes : celle où Gaspard répond au téléphone fixe et se persuade du fait qu’il s’agit de sa mère disparue au téléphone… Et cette scène de bain avec Margaux qui hurle « qu’elle préfère mourir de froid que de rester avec sa tante »… Beaucoup de douleur et de tristesse dans tout cela mais une véritable énergie de jeu et de sentiments.
S’en suit un film qui s’ouvre telle une corolle de laquelle émanent des perceptions, des sensations vraie et sensibles. On apprend à se connaitre, on se toise, on se rejette, on hésite, on revient, on avance…
Comme dans la vie où tout n’est pas toujours linéaire et qu’il convient de revoir ses plans, de s’adapter, de changer de braquet.
Tout cela au nom de l’amour. De l’humain.
Mention spéciale pour Juliette Armanet qui endosse le rôle de Suzanne : la maman veuve, la femme emportée, dépassée par son mal-être… Celle qui aime les pêches au sirop… Elle disparait vite de l’écran mais trouve le moyen de donner vie à son personnage comme d’autres ne le feraient pas en 1h30 de film.
Juliette forever.
