AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

La petite dernière

Posted by Barbara GOVAERTS

Ma palme ! Hafsia a son meilleur. Une actrice née qui sublime à son tour celles et ceux qu’elle filme.

Ce film est d’une délicatesse folle. Dans la réalité d’un/e autre metteur en scène, cette petite dernière aurait subi moult désagréments. Rien de tout cela ici. L’environnement est aimant. Ca éloigne les propos dérivatifs nuisibles et faciles. Point de grand frère violent ou de voisine commère. On fond pour l’entourage de Fatima. De ses potes de lycée gouailleurs qui aiment à raconter leur expériences hautes en couleurs, à ses grandes sœurs à la fois piquantes mais pleines d’affection, la maman aimante et fière (qu’elle m’a émue : elle a deux grandes scènes qui m’ont fait couler les larmes), le père discret mais présent : tout sonne beau et est empli de bonté.

Hafsia ne cherche jamais le sensationnel et on la remercie d’exister et de faire du cinéma, pour cela. Et pour plein d’autres raisons encore. Elle pose son regard sur les gens et sur les situations de façon implacable mais tellement humaine et douce, qu’elle sublime tout. Ca ne se travaille pas, ça ne s’apprend pas. Elle est, et elle donne. C’est d’un naturel et d’une puissance sans nom. Implacable.

En voilà du cinéma politique, sans être du cinéma politique. Hafsia maitrise totalement son propos. Elle donne vie à ce personnage qu’on n’avait encore jamais vu au cinéma, pour l’implanter dans la réalité de sa génération, de sa société. On affronte alors les réalités sociales, mais aussi religieuses de la France de 2025 avec ce qu’elle offre de meilleur et de plus navrant dans les idées courtes et fermées de certains. Ce patriarcat qui pèse encore bien lourd sur les épaules d’une société en mutation… La mise en scène donne vie à cela en filmant avec entrain et émotion le sentiment de liberté qui étreint les marcheurs de la pride (ou d’une manif) pour ensuite filmer depuis le ciel et en descendant le minaret de la mosquée : ici, symbole phallique ou masculiniste s’il en faut.

Mais ce qui est véritablement montré ici c’est le chemin de cette jeune femme qui trace sa route, comme nous sommes tous amenés à leur faire. Avec son bagage familial, son bagage culturel, social et religieux. La voir avancer avec cette confiance, cette ténacité malgré la peur et les doutes, est une des plus belles choses que j’ai pu voir lors de cette édition cannoises, et depuis longtemps au cinéma.

Ca méritait forcément un prix d’interprétation féminine. L’actrice qui donne vie à cette petite dernière est une grande débutante, elle s’appelle Nadia Melliti et m’a conquise de son charme et de sa puissance fragile. Elle a déjà tout d’une grande et je lui souhaite la belle carrière qu’elle souhaite avoir.

Mais alors comment tracer son chemin, son chemin propre, sans rien renier de son héritage ? Comment parvenir à s’émanciper sans trahir quelque part l’endroit d’où l’on vient ?

Ce personnage de fiction nous invite à la libération de nos êtres. Il nous dit que notre objectif de vie est de devenir celui ou celle que nous sommes, aussi morcelé ou diversifié que nous puissions l’être.

Fatima est véritablement un personnage de fiction qui ouvre des portes. En laquelle des tas de jeunes femmes peuvent et pourront s’identifier. Et c’est important. Et bien d’autres aussi.

Et ce, dans une douceur réelle qui fait du bien à notre réel.

Avec ce troisième film, Hafsia prouve qu’elle est une grande. Qu’elle a beaucoup appris de son / ses maitres pour s’en défaire et créer son propre univers. Elle choisit la douceur (et non pas la légèreté pour autant) et on la remercie pour ça également.

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