AMHA (A Mon Humble Avis), Festivals de Cinéma

Sirat

Posted by Barbara GOVAERTS

article maj le 18 septembre 2025

Ce J8, samedi 24 mai en l’occurence, est jour de rattrapage à Cannes. Tous les films de la compétition ont été présentés et nous sommes dans l’attente du palmarès qui sera annoncé le soir même lors de la cérémonie de clotûre.

En attendant, nous avons la possibilité de voir ou revoir les films de la compétition, tous projetés une dernière fois.

J’ai choisi Sirat, film présenté en début de festival qui a grandement fait parler de lui.

Le pitch déjà me plait…

Un père (Sergi López) et son fils parviennent à une rave perdue au cœur des montagnes du sud du Maroc, à la frontière Mauritanienne. Ils cherchent Mar — fille et sœur — disparue depuis plusieurs mois lors de l’une de ces fêtes sans fin. Plongés dans la musique électronique et une liberté brute qui leur est étrangère, ils distribuent inlassablement sa photo. L’espoir s’amenuise, mais ils s’obstinent et suivent un groupe de ravers vers une dernière fête dans le désert. À mesure qu’ils s’enfoncent dans l’immensité, le voyage les confronte à leurs propres limites.

… Et la présence de Sergi Lopez aussi. Je ne saurais expliquer le niveau de sympathie que cet homme m’évoque.

Le film est une étape de vie, rien de moins. Il m’a nourrie d’une telle façon que je n’en suis pas sortie comme j’y étais entrée. Une expérience introspective unique.

Aujourd’ hui encore, quelque 4 mois après avoir vu ce film pour la première fois, il m’habite.

J’aime cette sensation. J’aime sentir que les quelque deux heures passées devant un écran m’ont été bénéfiques.

Plus encore, le bouche à oreille positif qui porte le film (un vrai beau succès en Espagne puis en France) me permet de repenser le film. De le faire vivre. A l’aune du retour de ceux qui le découvrent, haletants, presque coi. C’est beau que le cinéma permette cela à l’heure où rien ne semble plus vraiment nous épater… Beaucoup de vidéos par ci par là, sur des thèmes approximatifs qui n’ont d’autres buts que de nous happer vulgairement pour prendre un peu de la matière grise de nos cerveaux.

Là, cette fresque désertique, aride et abrupte nous hypnotise, pour nous donner beaucoup.

De sensations, d’espaces de réflexion…

Car le film vaut surtout pour son aspect purement cinématographique : cet aspect sensoriel très puissant via la musique, les scènes chocs, les retournements imprévus… On sent le travail pour parvenir à un film épuré.

Si ce film donne à voir par endroit une certaine idée de la fin du monde, il illustre surtout l’énergie de vivre et de vaincre qui se dégage, qui émane de tout individu dans les heures sombres. A l’échelle de l’humain, ou à l’échelle de l’humanité, cette énergie existe et vient bouleverser nos réalités. Oliver Laxe montre ces hommes et ces femmes, à la fois presque mis au ban d’une société qui ne donne de crédit qu’à ceux capables de justifier d’une place dans la société, pas ces « freaks » bien trop libres et libérés. Et puis les autres, usés de tout mais encore, toujours empreints d’une vive force de vie.

En ce sens, les scènes de danse sont filmées avec grâce et c’est toute la puissance de la fête qui émane. On sent jusqu’à l’aura des gens. Et l’énergie, que tous ensemble, créent. C’est totalement contemplatif et tellement révélateur. Révélateur de ce qui constitue un humain : de la chair, et des sentiments.

Tout de ce film dit l’envie et le besoin de vivre pleinement. Simplement en somme : juste avec de la musique, de la danse et nos pensées… De relâcher la pression que des sociétés violentes, alentours, nous infligent.

Sirat dit aussi l’absence de jugement, l’accueil et l’entraide. Jamais ce père qui débarque en chemisette et distribue les photos de sa fille disparue ne sera jugé. On se demande sans doute d’où il sort mais jamais il ne sera pris de haut. On échange, on s’écoute… Et c’est pour moi la base d’un film qui véhicule ce message important : nous avons tous quelque chose à donner. Que ce soit une parole, une écoute… Nous avons tout à gagner à nous regrouper, à travailler ensemble dans nos divergences et avec les barrières que la société place entre nous. Il n’y a pas plusieurs catégories d’humains ! Nous sommes sur un pied d’égalité et disons le clairement, les « freaks » que la société a trop vite fait de catégoriser, ne sont pas ceux que l’on croit. Oliver Laxe donne à penser que leurs fêlures distillent la lumière tout autour….

Sirat évoque aussi le besoin de revenir à l’essentiel et la puissance de ces discussions durant lesquelles on se dévoile un peu, on refait le monde, on s’exprime.

Le besoin de s’exprimer… Par quelque biais que ce soit mais dire, montrer, témoigner, extérioriser… Lâcher dans l’univers nos intérieurs, nos inconscients, nos non dits…

En cela le film regorge d’une véritable force de vérité. Qui passe elle même par le ressenti.

J’aime quand le cinéma permet cela. Lorsqu’il capte l’indicible, l’immontrable… Tous ces sentiments enfouis. C’est de l’ordre du surnaturel en fait… Et c’est pourquoi le cinéma me plait tant !

Comment un film, par essence, une production faite avec des acteurs (certes professionnels ou non), des caméras… Bref, qui engage par essence tout un procédé, un processus technique et donc factice… Que tout cela laisse entrer la vie telle qu’elle est… Et tout se joue sur ce que l’on donne à ce que l’on fait. Et il est clair qu’Oliver Laxe y a mis sa moelle. Toute sa spiritualité, son instinct… Il a reussi à embarquer dans cette épopée, dans cette odyssée désertique ses acteurs (pro et non pro) pour qu’ils donnent eux aussi, ce qu’ils ont, leur expérience, leur intérieur…

Et la pellicule a capté tout cela pour donner vie à ce film à nul autre pareil. Un songe éveillé. Une représentation de l’exil, quelque soit cet exil. De la quête de soi.

Une expérience de vie.

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