AMHA (A Mon Humble Avis)

Alpha

Posted by Barbara GOVAERTS

Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je ne partage pas le synopsis des films dont je vous parle. Je préfère à cela vous partager un visuel du film, souvent l’affiche, et la bande annonce. En dehors de ça, c’est mon ressenti et ce que je retire du film.

Pourquoi je vous dis ça ? Car le synopsis d’Alpha tel qu’indiqué sur le site du Festival de Cannes lors de la projection officielle du nouveau film de la palmée Julia Ducournau m’étonne.

« Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule quand, un jour, elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras. »

Je pourrais faire une explication de texte de ces 2 phrases et j’en viendrais à tout contredire. Je ne trouve en rien qu’Alpha soit une ado agitée. Elle vit en résonance avec l’éducation que sa mère, une femme médecin à l’indépendance forte, lui a donnée, en l’élevant seule. Alpha a une personnalité très marquée. Elle ne suit en rien les règles dictées, elle a le sens de l’aventure et du devoir. Elle veut voir plus loin. Si elle entre parfois en confrontation avec sa mère, ce n’est que pour dire le trop plein d’émotions qu’elle ressent et son envie de vivre fort, de s’émanciper, de se prendre en main et de devenir la femme forte qu’elle est déjà. Sa mère l’élève dans cette optique.

« Leur monde s’écroule… » C’est pas tant LEUR monde qui s’écroule que LE monde qui s’écroule dans ce nouveau film de Julia Ducournau. Leur monde au contraire se reforme… Des liens depuis trop longtemps perdus se resserrent.

Si je reconnais un peu de forcing de la part de Julia D dans sa façon de dire et de montrer la transmission, et l’importance des valeurs, de la culture… (la scène de déjeuner familiale fait un peu dans la lourdeur tout de même), je lui reconnais le fait de n’avoir pas succombé à la facilité qui aurait pu être de romantiser les prises de drogues. Face aux films très visuels, très sensoriels qu’elle réalise, la tentation était grande mais elle parvient à rester à bonne distance pour bien tenir son propos.

Propos qui n’est autre que de dépeindre les débuts de l’épidémie de sida en France dans les années 80 et 90, à l’heure où les personnes touchées étaient principalement des minorités socialement exclues : les drogués, les homo, les travailleurs du sexe. La raison invoquée : « c’était bien de leur faute s’ils s’étaient injecté / transmis ce virus… A bas les moeurs faciles ! »

Pour cela et rien que cela, saluons le travail de mémoire réalisé par Julia D qui rend ici un hommage vibrant à ces humains invisibilités, dont le souvenir n’est pas assez marqué.

Son choix visuel pour les représenter est sublime je trouve. Ces hommes et femmes marbrés… qui redeviennent poussière.

Notons la prestation de Tahar Rahim. Là aussi, j’ai eu un peu peur l’espace d’un instant. On connait sa perte de poids spectaculaire pour endosser le rôle du frère héroïnomane qui revient d’entre les morts pour apporter protection et soin à ceux, restés là, et finalement en moins bonne sécurité sur Terre. Il aurait pu en faire trop mais reste toujours sur la ligne tel l’équilibriste qu’il est.

Reste le véritable message du film de Julia D. J’extrapole sans doute mais rien ne m’en empêche. J’ai vu en cette fin, que je trouve sublime, notre devoir à chacun de lever la tête, pour voir en face la réalité de notre monde, et ces cendres, ces poussières de marbre qui ruissellent sur nous. Le souvenir de ceux qui sont partis, sans la dignité à laquelle chaque individu à droit, et la réalité de ceux qui partent aujourd’hui, ceux qui quittent ce monde du fait de la haine et de décisions politiques à la fois immondes et lâches.

Nous connaissons l’Histoire et nous savons ce qu’il se passe aujourd’hui. Et qu’il s’agisse d’une épidémie qu’on laisse courir ou d’un génocide qu’on décide d’ignorer… C’est de notre lâcheté commune dont il s’agit. Nous avons leur mort sur notre conscience.

C’est dur et sombre. Mais Julia D ne nous laisse pas sur cette culpabilisation qui pourrait apparaître comme plombante. J’ai trouvé qu’elle faisait le choix de la lumière malgré tout. Son final me laisse avec une note d’humanité, et ça me plait.

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