AMHA (A Mon Humble Avis)

Cannes 2025 – mon J4

Posted by Barbara GOVAERTS

Météors. Présenté à Un Certrain Regard

Diagonale du vide. Trois amis de longue date. Tony est devenu le roi du BTP, Mika et Dan les rois de rien du tout. Ils ont beaucoup de rêves et pas beaucoup de chance. Après un nouveau plan raté, ils doivent bosser pour Tony dans une poubelle nucléaire. Jusqu’ici tout va mal…

Quelle surprise (bonne) que ce film ! Pas tant que ça lorsqu’on connait le talent du réalisateur pour faire émerger une véritable âme dans ses films. Il nous a déjà offert l’étonnant Petit paysan qui humanisait comme rarement cet homme, éleveur de vaches laitière.

Il nous présente cette fois ce trio – je dois avouer que c’est surtout le duo Paul Kircher x Idir Azougli qui m’a happée. Un duo d’ami de longue date et de galère comme je n’en ai pas vu depuis longtemps. Amis de longue date mais encore bien jeune, une petite trentaine et déjà bien confrontés aux duretés de la vie. Cette région où rien ne semble se passer ne leur offre aucune opportunité d’aller de l’avant ni même de lever les yeux au ciel… C’est une sorte de stagnation, de résignation qui semble s’être installée en eux. Pas vraiment chez Daniel qui veut en découdre avec le déterminisme auquel la société semble vouloir le confronter. Car il a un rêve : reprendre un chenil sur l’ile de la Réunion. Et rien ne l’en empêchera. Le film s’ouvre sur cet espoir. En chemin c’est à la réalité que Daniel devra se confronter. Et elle n’est pas belle, ne lui réserve pas vraiment de belles surprises. Car il est déjà bien abimé par des années de galère. J’aime que le réal évoque la question de l’alcoolisme chez les jeunes. On associe encore trop cette addiction aux générations plus anciennes et on a tendance, je trouve, à banaliser le sujet chez les jeunes. En se disant que ce sont les excès de la jeunesse. La réalité c’est que dans bien des zones laissées pour compte, c’est là, la seule échappatoire et elle créé bien des dégâts. Parfois irréversibles.

Il devra tomber au plus bas pour se relever enfin. Et il n’y a rien de plombant ni de déterministe là dedans. Au contraire, c’est là le parcours d’un jeune homme en marche, en quête, en vie

Les aigles de la république. Présenté en compétition officielle.

L’acteur le plus adulé d’Égypte, George El-Nabawi, tombe du jour au lendemain en disgrâce auprès des Autorités. Sur le point de tout perdre, George est contraint d’accepter le rôle du Président Al-Sissi dans un biopic à sa gloire. Il se retrouve alors projeté dans le cercle le plus fermé du pouvoir et réalise vite qu’il ne risque pas seulement d’y perdre son âme, mais qu’il s’est littéralement jeté dans une dangereuse danse macabre.

Quelle déception, non pas de ce film en lui même, mais de n’avoir pas été emporté par lui. Car mes souvenirs du Caire confidentiel et, dans une moindre mesure déjà, mais tout de même, de La conspiration du Caire sont forts. La charisme de l’acteur principal déjà : Fares Fares, dont je ne connaissais rien m’a amplement marqué et puis ses pérégrinations, ses déambulations… J’avais été happé.

Ici, et pourtant il y est question d’un tournage de cinéma – et j’aime lorsqu’il est question de cinéma au cinéma ! Mais je me suis plutôt ennuyée. Je ne saurais dire pourquoi véritablement mais la magie qui avait tant opéré la première fois, puis la flamme qui s’est rallumée (un peu légèrement déjà comme je le disais plus haut) fut poussive ici.

C’est un un questionnement que j’ai régulièrement. Qu’est ce qui fait que l’on « rencontre » un film véritablement ? S’agit-il d’une question de timing ? Peut-être qu’à l’instar de la rencontre entre deux être fonctionne, ou pas, il en est de même pour un film. Tous les ingrédients peuvent être réunis mais la flamme ne s’allume pas.

Reste un film, qui referme donc cette trilogie, plaisant mais pas poignant.

Alpha. Présenté en compétition officielle.

Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule quand, un jour, elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras.

Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je ne partage pas le synopsis des films dont je vous parle. Je préfère à cela vous partager un visuel du film, souvent l’affiche, et la bande annonce. En dehors de ça, c’est mon ressenti et ce que je retire du film, que je vous partage. Cette fois, je ne sais trop pourquoi à vrai dire, je copie colle le synopsis de chacun des films donc je vous parle, synopsis pris sur le site du Festival. Leur façon à eux de présenter les films de la sélection.

Pourquoi je vous dis ça ? Car le synopsis d’Alpha (voir plus haut donc) m’étonne.

Je vous le remets ici au final pour vous éviter de scroller :

Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule quand, un jour, elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras.

Je pourrais faire une explication de texte de ces 2 phrases et j’en viendrais à tout contredire. Je ne trouve en rien qu’Alpha soit une ado agitée. Elle vit en résonance avec l’éducation que sa mère, une femme médecin à l’indépendance forte, lui a donnée, en l’élevant seule. Alpha a une personnalité très marquée. Elle ne suit en rien les règles dictées, elle a le sens de l’aventure et du devoir. Elle veut voir plus loin. Si elle entre parfois en confrontation avec sa mère, ce n’est que pour dire le trop plein d’émotions qu’elle ressent et son envie de vivre fort, de s’émanciper, de se prendre en main et de devenir la femme forte qu’elle est déjà. Sa mère l’élève en conséquence.

« Leur monde s’écroule… » C’est pas tant LEUR monde qui s’écroule que LE monde qui s’écroule dans ce nouveau film de Julia Ducournau. Leur monde au contraire se reforme… Des liens depuis trop longtemps perdus se resserrent.

Si je reconnais un peu de forcing de la part de Julia D dans sa façon de dire et de montrer la transmission, et l’importance des valeurs, de la culture… (la scène de déjeuner familiale fait un peu dans la lourdeur quand même), je lui reconnais le fait de n’avoir pas succombé à la facilité qui aurait pu être de romantiser les prises de drogues. Face aux films très visuels, très sensoriels qu’elle réalise, la tentation était grande mais elle parvient à rester à bonne distance pour bien tenir son propos.

Propos qui n’est autre que de dépeindre les débuts de l’épidémie de sida en France dans les années 80 et 90, à l’heure où les personnes touchées étaient principalement des minorités socialement exclues : les drogués, les homo, les travailleurs du sexe. La raison invoquée : « c’était bien de leur faute s’ils s’étaient injecté / transmis ce virus… A bas les moeurs faciles !

Pour cela et rien que cela, saluons le travail de Julia qui rend un hommage vibrant à ces humains invisibilités, dont le souvenir n’est pas assez marqué.

Son choix visuel pour les représenter est sublime je trouve. Ces hommes et femmes marbrés… qui redeviennent poussière.

Notons la prestation de Tahar Rahim. Là aussi, j’ai eu un peu peur l’espace d’un instant. On connait sa perte de poids spectaculaire pour endosser le rôle du frère héroïnomane qui revient d’entre les morts pour apporter protection et soin à ceux, restés là, et finalement en moins bonne sécurité sur Terre. Il aurait pu en faire trop mais reste toujours sur la ligne tel l’équilibriste qu’il est.

Reste le véritable message du film de Julia D. J’extrapole sans doute mais rien ne m’en empêche. J’ai vu en cette fin, que je trouve sublime, notre devoir à chacun de lever la tête, pour voir en face la réalité de notre monde, et ces cendres, ces poussières de marbre qui ruissellent sur nous. Le souvenir de ceux qui sont partis, sans la dignité à laquelle chaque individu à droit, et la réalité de ceux qui partent aujourd’hui, ceux qui quittent ce monde du fait de la haine et de décisions politiques à la fois immondes et lâches.

Nous connaissons l’Histoire et nous savons ce qu’il se passe aujourd’hui. Et qu’il s’agisse d’une épidémie qu’on laisse courir ou d’un génocide qu’on décide d’ignorer… C’est de notre lâcheté commune dont il s’agit. Nous avons leur mort sur notre conscience.

C’est dur et sombre. Mais Julia D ne nous laisse pas sur cette culpabilisation qui pourrait apparaître comme plombante. J’ai trouvé qu’elle faisait le choix de la lumière malgré tout. Son final me laisse avec une note d’humanité et ça me plait.

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